Les politiques sportives sont généralement abordées sous l’angle communicationnel . Il s’agit dans ces études d’évaluer la rentabilité de l’investissement des collectivités locales dans les événements sportifs et/ou dans les équipes de haut niveau. Plus que la rentabilité financière, les retombées médiatique sont au centre des attentes municipales. Être partenaire d’un événement ou d’un club sportif permet d’occuper l’espace médiatique à un coût moindre que l’achat d’espaces publicitaires. Nous proposons ici un autre angle d’attaque pour l’analyse des politiques sportives. Il s’agit de voir comment la création d’équipements sportifs s’intègre dans des politiques urbaines plus globale .

À partir du travail de terrain effectué pour ma thèse , nous nous focalisons sur des équipements sportifs particuliers des villes de La Rochelle et de Poitiers -respectivement le Port des Minimes et le Complexe de la Pépinière. L’approche retenue met en avant le discours municipal comme élément de justification des politiques entreprises et de leur présentation aux habitants. La parole municipale qui s’exprime dans les bulletins municipaux et que nous avons glaner au cours de différents entretiens tend à renforcer le positionnement de la cité dans le contexte de « bataille des villes ». Lorsque sont abordées les programmations d’équipement sportifs, ce discours institutionnel, bien qu’il n’omette pas la dimension sportive, les relie à d’autres pans de la politique urbaine de la ville. Après avoir rapidement que la programmation d’équipements sportifs par les villes s’inscrit dans un contexte historique particulier, nous verrons : Dans un premier temps, que ces équipements participent à la transformation et la réorganisation de l’espace urbain non seulement du quartier où ils s’implantent mais aussi de l’ensemble de l’agglomération. Dans un second temps, que l’examen du discours politique sur ces équipements fait ressortir des attentes singulières en termes de développement local -rayonnement et prestige ou économique et touristique. I. La programmation d’équipements sportifs par les villes comme symbole d’un pouvoir économique et politique recouvré. Les différentes étapes des politiques publiques en faveur des équipements sportifs se sont inscrites dans le paysage des villes d’étude. Après les premiers aménagements privés et les premières interventions municipales entre 1880 et 1935, l’État a mis en place des programmes d’action. Le Front Populaire puis le régime de Vichy ont initié les prémisses de la planification d’équipement. Le nouveau contexte économique et social du début de la Ve République a relancé l’intervention de l’État dans l’édification d’équipements sportifs. La planification engagée entre 1961 et 1982 a permis de densifier le maillage d’infrastructures dans les territoires . Malgré une certaine uniformité des équipements , l’offre d’activité s’est accrue. Les deux municipalités étudiées ont donc évolué dans ce contexte où elles n’avaient que peu de prises sur la programmation des infrastructures sportives. Les lois de décentralisation de 1982 ont modifié les relations entre les collectivités locales et l’État. En percevant à partir de 1985 d’une dotation globale d’équipement, les marges d’action des communes s’étendent . Le sport est alors perçu par les municipalités comme un véritable service public structurant l’organisation territoriale et participant au développement local. À partir de ce moment-là, les politiques sportives des villes étudiées considèrent les équipements comme le pilier de leurs actions, comme un élément essentiel de monstration d’un pouvoir économique et politique recouvré. Ainsi les villes vont débloquer des budgets spécifiques de l’ordre de 6-7 % pour concrétiser ces nouvelles possibilités. II. L’équipement sportif et l’organisation de l’espace urbain Les villes d’études ont en commun d’être de même poids démographique, d’appartenir à la même région -le Poitou-Charentes-, et surtout d’avoir connu un pouvoir stable depuis une trentaine d’années. Jacques Santrot est maire de Poitiers depuis 1977 et Michel Crépeau fut maire de 1971 jusqu’à son décès en 1999, son premier adjoint, Maxime Bono, assura l’intérim avant d’être élu en 2001. La temporalité de l’action publique étant relativement longue, ce maintien au pouvoir des mêmes figures a permis de mettre en cohérence les multiples politiques de développement urbain. L’entrée par l’équipement sportif fait ressortir un discours mettant en scène le développement nécessairement harmonieux -puisque planifier sur du long terme- du tissu urbain de la ville et de ses fonctions. Les deux équipements étudiés ne sont pas de même nature, ne représentent pas non plus les mêmes investissements financiers mais ils ont commun d’avoir une signification territoriale forte, projetant la ville dans la modernité. A. Le complexe de la Pépinière ou la continuité territoriale de l’agglomération Ce projet est le plus saillant de la politique d’équipement sportif de Poitiers en terme d’investissement et de superficie. La communication municipale sur ce sujet n’en est que plus importante. La justification d’un tel équipement se doit d’être bien expliquée à la population. Aussi, ce projet est intéressant à un double point de vue : d’une part, il émane de la nouvelle municipalité élue en 1977, en ce sens il s’associe directement à l’action du maire Jacques Santrot et d’autre part, c’est un projet intercommunal qui est situé sur la commune de Buxerolles, commune limitrophe de Poitiers appartenant à la Communauté d’Agglomération de Poitiers (CAP). Le projet de la Pépinière apparaît pour la première fois dans les bulletins municipaux en 1978. Le développement démographique de l’agglomération poitevine à cette époque est conforme aux grandes tendances nationales. La forte croissance des agglomérations se concentre principalement dans les communes de proches périphéries (banlieues des Unités Urbaines). La commune de Buxerolles est l’une de celle qui croît le plus. Les communes centres ayant elle plutôt tendance à perdre des habitants (Cf. Illustration 1).

Illustration 1 : Evolution de la population de l’unité urbaine de Poitiers depuis 1821 Avant la création de la Pépinière, le paysage de part et d’autre de la rue des deux communes (voie qui sépare administrativement les deux communes) est fortement contrasté. À Poitiers la rue est bordée des immeubles de la ZUP des Couronneries, à Buxerolles, les champs séparent quelques petites zones pavillonnaires. Le Centre-bourg se situant à 5 km de cette rue. L’implantation du Complexe de la Pépinière, le long de la rue des deux communes sur la commune de Buxerolles engage dès 1980 le développement de Buxerolles vers Poitiers qui se traduira par une requalification des chemins, par le tracé de nouvelles rues et par la construction du quartier des Bizais (effective dès 1994) qui relie le complexe sportif de la Pépinière et les Couronneries, aux pôles de cette commune. Les deux communes se solidarisent physiquement à partir de l’articulation créer par l’implantation du Complexe sportif. Le complexe de la Pépinière de Poitiers tel qu’il nous ait donné à voir apparaît comme un modèle de réalisation intercommunale, à la fois pôle sportif de l’agglomération et trait d’union physique et identitaire entre les communes de Poitiers et de Buxerolles. Tout se passe comme cet équipement sportif de la CAP s’intégre pleinement dans les orientations en matière de développement de l’agglomération de densification de la ville et autour de la ville centre et de limitation du mitage sur l’agglomération. B. Le port des Minimes ou l’extension de la ville et de son centre La création du Port des Minimes se réalise dans un contexte différent. Elle est initiée dès 1965 par le maire André Salardaine qui envisage également d’aménager une plage à proximité du port. Le projet a vocation à étendre la ville vers le sud, d’urbaniser la Pointe des Minimes qu’on appelle à l’époque les marais perdus et qui est occupée par un bourg d’ostréiculteurs. La construction du port démarre en 1969. L’accession au pouvoir de Michel Crépeau en 1971 ne remet pas en cause cette stratégie de développement. Le port des Minimes est officiellement ouvert en 1972. « À terme, le Port des Minimes pourra accueillir 2 600 bateaux. Ce sera alors le plus grand port de plaisance d’Europe. » Une plage est aménagée de l’autre coté de la digue avec l’apport de 86 000 m3 de sable . Ce projet du port des Minimes fait l’objet de sévères critiques non pas sur ce qu’il peut et doit apporter à la ville, mais sur la manière dont le projet a été conduit, à la fois dans le montage financier et dans son urbanisme. Ainsi, le premier Bulletin Municipal de l’ère Crépeau évoque avec ironie le fait que la publicité pour l’ouverture du port à la saison 1971 ait été entreprise alors que les pontons n’étaient pas encore commandés . L’initiateur de la loi Littorale modifie en profondeur les plans : les bâtiments ne seront pas directement en front de mer ce qui permet d’instaurer une promenade cycliste et piétonne. On voit poindre ici, le souci environnemental qui sera une marque de fabrique de l’action Crépiste. La ville qui restera maître d’œuvre de l’opération présente sa stratégie de développement : « La ville entend agir au coup par coup et au fur et à mesure où les besoins se feront sentir. » Dans un premier temps, il s’agit de créer un véritable pôle autour de port de plaisance avec des commerces et des logements. Dès 1971, la mairie, tout en conservant et en restructurant le village ancien, acquiert la quasi-totalité des terrains pour réaliser une ZAC de cinq cents logements dont les rez-de-chaussée sont réservés à l’activité commerciale . À l’époque l’espace compris entre les infrastructures portuaires réservées à la pêche et celles consacrées à la plaisance est vierge. Dans un second temps, la jonction entre ce nouveau pôle et la vieille ville se densifie. Au milieu des années quatre-vingts, le Technoforum considéré comme la « première trace monumentale de La Rochelle nouvelle » sort de terre. Ce bâtiment doit structurer ce quartier intermédiaire . « Il s’agit sur le site de « faire de la ville », c’est-à-dire de continuer la trame urbaine pour assurer la prolongation du centre ville, jouer la diversité des activités en conjuguant implantations d’activités, bureaux, habitats, commerces, imposer un certain type d’urbanisme avec des rues, des places, des continuités de façades qui ouvrent sur des perspectives et dessinent des cheminements . » Le véritable maillage du quartier se fera avec l’ouverture de l’Université de La Rochelle en 1993. Il s’agit de construire des locaux universitaires et des logements étudiants tout en ne négligeant pas l’aspect touristique. Conjointement à ces logements, les programmes de la médiathèque, du Musée Maritime puis de l’Aquarium rapprochent petit à petit le quartier du Centre-ville. Par la suite, le quartier entre dans une phase de modifications plus secondaires et s’étend vers le sud : La Rotonde de Tasdon est devenue un centre commercial, le Conseil général s’est implanté et la Communauté d’Agglomération de La Rochelle (CdA) acquiert l’ancien Aquarium des Minimes pour « recevoir des entreprises liées à la mer ». « Les Minimes [qui] sont en train de devenir le second centre de La Rochelle, après le séculaire cœur historique » ont été élaboré de la Pointe au Centre-ville. Le Technoforum puis la Médiathèque ont déplacé le centre de gravité par rapport au Port de Plaisance. La délocalisation de l’Aquarium du port des Minimes aux Bassins des Chalutiers l’a d’autant plus ancré vers le Centre-ville. Mais la Pointe des Minimes connaît encore de nouveaux aménagements vers le Sud qui redonnent au port des Minimes sa dimension centrale dans cette extension de la ville. À l’inverse du Complexe de la Pépinière qui est présenté comme un « trait d’union », le port des Minimes constitue, lui, un point d’ancrage à partir duquel la ville va s’étendre vers le Sud. La jonction qui s’opère par la suite concrétise la création du quartier. On retrouve là, la même logique qui avait présidé, au XIXe siècle, à l’extension de la ville vers le nord avec l’implantation du port de commerce à La Pallice. Les contraintes du site limitant les possibles, l’équipement ne sert donc pas à densifier la ville mais un créer un nouveau pôle structurant le développement urbain. C. Des équipements qui concourent à des développements urbains harmonieux Avec le recul, ces opérations urbaines qui s’appuient sur des équipements sportifs nous sont transmises par les élus comme participant au développement harmonieux de la ville. Dans le cas de Poitiers, la Pépinière assure la continuité du tissu urbain par une transition entre du collectif et du résidentiel et correspond bien à la volonté affichée par les élus de densifier la ville. Dans celui de La Rochelle, le port des Minimes rééquilibre la ville vers le Sud, le pragmatisme revendiqué de son aménagement correspond parfaitement à la façon de l’équipe municipale gère sa ville. Enfin, comme le quartier des Minimes qui se crée autour du port accueillent les nouvelles activités économiques de la ville les projets successifs trouvent leur cohérence. Dans les deux cas, les projets urbains nous sont présentés comme appartenant à un schéma général de développement à long terme de la ville. Il n’est jamais question de rupture, de déséquilibre ou d’opportunité foncière pour expliquer leur implantation. Au-delà de cet aspect spatial, ces équipements sportifs vont être un des supports du développement local. III. Les équipements sportifs et le développement local Les deux équipements étudiés ne jouent pas sur les mêmes registres et l’impact du Port des Minimes sur La Rochelle est bien plus important que celui de la Pépinière sur Poitiers, mais ils vont tous deux être mis en scène comme des ressources économiques et/ou symboliques dont la ville dispose pour conforter ou améliorer sa place dans la « bataille des villes ». A. Le complexe de la Pépinière et le statut de Capitale régionale Avant de nous attacher au discours émis tout au long du projet, détaillons le contenu du programme du Complexe de la Pépinière. 1. Du programme... L’une des fonctions initiales de ce projet étant de satisfaire les exigences des clubs et des sportifs poitevins en matière d’équipement, le stade de football rendu nécessaire par la surcharge d’activité au stade Rébeilleau a été facilement accepté . Les travaux débutent en 1980 et l’année suivante le terrain de football est utilisé sans qu’il y ait de tribune . En 1986, le complexe sportif de la Pépinière entame une seconde phase, toujours en direction du sport fédéral de haut niveau, avec la construction de la tribune et du dojo qui s’achève en 1989 . C’est la création du vélodrome à ciel ouvert qui posera aux clubs poitevins et aux habitants eux-mêmes le plus d’interrogations : à qui va-t-il servir ? L’accès est réservé aux structures fédérales, les clubs cyclistes locaux sont spécialisés sur les courses sur route, l’absence de toit nuit à son utilisation par temps de pluie ce qui limite fortement les entraînements et l’organisation de compétitions. De plus l’absence de tribune n’offre pas la possibilité d’organiser des compétitions de haut-niveau. Bref, les habitants s’interrogent sur la nécessité pour la ville de se doter de cet équipement et on peut se demander comme l’a fait C. Dulac pour Grenoble si ce vélodrome ne constitue pas une réponse de la municipalité à la pression des lobbies sportifs. Mais le discours institutionnel insiste sur les besoins des Poitevins et des cyclistes pour justifier cette construction. Le programme s’enrichit effectivement d’un vélodrome, qui est inauguré en 1996 tout comme le restaurant du complexe . En 1998, apparaît dans les Bulletins Municipaux, le projet de piscine à la Pépinière. Il s’agit plutôt d’une piscine ludique que d’un bassin de compétition . Par cet équipement, on assiste à un glissement d’une logique de haut-niveau vers une logique de loisirs sportifs. Sa construction est retardée car dans le même temps, l’équipe fanion du football poitevin accède à la Division 2. Pour se conformer aux normes de Ligue Nationale de Football, le complexe sportif se dote d’une seconde tribune qui décale les travaux de la piscine . Ce complexe, par sa dimension et l’éventail des pratiques qu’il permet est considéré comme le « vaisseau amiral des équipements sportifs » de l’agglomération. Par la suite, il s’agit de convaincre les habitants de l’agglomération et plus largement de la région qu’ils disposent d’équipements sportifs digne d’une capitale régionale. 2. ...au discours Pour bien comprendre le travail d’image qui va être réalisé autour de cet équipement sportif et en particulier l’affirmation continue d’un équipement digne d’une Capitale régionale, il nous faut rapidement resituer le contexte du Poitou-Charentes. Région faiblement urbanisée, elle ne dispose pas comme d’autres d’une métropole d’équilibre qui polarise fortement la population régionale. En Poitou-Charentes, l’armature urbaine est équilibrée et prend appui sur les quatre Préfectures (Angoulême, La Rochelle, Niort et Poitiers) qui regroupent entre 80 et 120 000 hab. Le statut de capitale régionale reçue par Poitiers dans les années 60 est alors fortement discuté en particulier par La Rochelle. Mais son influence passée, son université et sa situation plus centrale que La Rochelle emportent la décision. Dès lors, elle n’a de cesse que d’affirmer ce statut aux yeux de ses proches rivales et des métropoles environnantes (Nantes, Tours, Limoges, Bordeaux). Le discours justificatif de la Pépinière entre principalement dans ce credo comme une ressource symbolique qui conforte ce statut. a) Vers l’exterieur La création du stade de football s’inscrit pleinement dans cette logique puisque par ses dimensions (terrain et tribunes) il est le seul avec celui de Niort qui peut accueillir des matches de L 2 et des quarts de finale de Coupe de France. Si bien que, en 2003, le quart de finale disputée par Angoulême a lieu au Stade de la Pépinière de Poitiers. De fait, il est bien un stade digne d’une capitale régionale car il peut accueillir les événements majeurs qui se déroulent en région. La concurrence pour les piscines est plus vive puisque avant sa construction, il existe déjà deux piscines ludiques dans la Vienne, une à Civaux et l’autre à Châtellerault et les préfectures de la Charente et des Deux-Sèvres possèdent déjà cet équipement. Il fallait donc que la ville préfecture assure son rôle dominant ou tout du moins s’aligne en matière de service sur les autres villes du département et de la région. Poitiers possédant un large parc de piscines « classiques » pour une ville de 120 000 hab. (4 piscines et un bassin extérieur), le projet n’est pas démesuré. Il n’est aucunement question de réaliser la plus grande piscine ludique de la région, mais il est impératif de disposer d’un telle structure. Derrière l’équipement se profile l’idée de compétition formelle et informelle avec les autres villes régionales de même taille, il s’agit là encore pour Poitiers, de conforter son statut de capitale régionale. Mieux encore, le vélodrome. Il est considéré et présentépar la municipalité comme « un équipement de niveau national. » Car, nous explique-t-on « C’est une réalisation pour les Poitevins mais aussi pour les cyclistes de la Vienne, du Poitou-Charentes et même au-delà. » Effectivement, en 1997 le Trophée National du Sprint s’y dispute, mais rapidement les conditions technique d’accueil n’étant pas à la hauteur, les compétitions se raréfient . b) En interne En interne la communication est plus complexe, outre le fait de convaincre ses habitants qu’il s’agit bien là d’un équipement d’ampleur régionale, il faut aussi qu’ils s’approprient cet espace en le pratiquant que ce soit en tant que supporters ou en tant que sportifs. Pour l’activité piscine, le succès est immédiat, la fréquentation dépasse les prévisions. L’équipement permet de « rapatrier » les personnes attirées par les autres piscines du département. Mais cet équipement déroge à la politique tarifaire existante sur la ville. La Pépinière est plus chère et est exclue de la gratuité accordée aux moins de seize ans pendant la période estivale. Avec cet équipement, la municipalité répond aux nouvelles demandes de la population en matière d’activité physique, en retour son succès montre bien l’adéquation entre la demande en l’offre.

En accueillant des rencontres prestigieuses, comme avec le football, l’équipement participe à l’édification de référents communs en matière sportive. En 1995, la Pépinière accueille 8 500 spectateurs pour Poitiers-Monaco en Coupe de France . Lors de la saison 1996-1997, le club qui évoluait en D 2 affronte Marseille, un adversaire renommé. L’égalité qui existe le temps de la compétition entre le club poitevin qui évoluait à son plus haut niveau et ces clubs illustres façonne la dimension extraordinaire de la rencontre. L’issue défavorable des résultats n’entama pas la gloire de telles confrontations. Le simple fait qu’elles aient eu lieu et l’émotion qu’elles suscitèrent permirent aux habitants-supporters de s’approprier ce lieu.

En ce qui concerne le vélodrome, malgré les différentes annonces : « Compétition, initiation, animation, le vélodrome de Poitiers est en passe de gagner son pari en attirant pratiquants et spectateurs en grand nombre » il n’a pas connu de « grandes heures » et comme il est réservé aux différentes structures fédérales, il n’y a pas de pratique libre. Son appropriation par les Poitevins demeure encore à construire.

Tout se passe comme si le discours de la municipalité cherchait à faire de cet équipement un patrimoine contemporain possédant une histoire riche (les grands matchs de football) et étant massivement approprié par les habitants. Nonobstant ces efforts, les Poitevins privilégient comme lieu sportif emblématique de la ville la salle Lawson-Body qui abrite les exploits du volley et du basket. Notons que cet équipement sportif se situe loin derrière les patrimoine architectural ancien comme monuments emblématiques de la ville.

Pour conclure sur cet exemple : la justification d’un tel équipement fait appel à des stratégies de communication ambivalentes, qui associent des préoccupations de massification et de démocratisation des pratiques pour les acteurs locaux et la mise en spectacle de certaines activités pour un public régional. Ces deux pôles agissent comme des supports de l’image sportive en interne et en externe car ils renvoient à une structure « digne d’une capitale régionale. » Par cet équipement, la ville accroît ses ressources sportives. Autrement dit, elle s’arme d’un nouvel atout pour maintenir voire améliorer sa position dans la compétition interurbaine régionale et nationale. B. Le port des Minimes ou faire de La Rochelle « la Cannes de l’Atlantique » La plaisance à La Rochelle a connu un succès conséquent qui fait dire après vingt ans d’existence que le port des Minimes « est continuellement trop petit. » La mairie étudie de nouvelles possibilités à l’ouest de la ville -la Repentie et Port Neuf . Le bassin des Chalutiers est réaménagé afin d’accueillir les grands yachts et répondent à l’objectif annoncé de faire de La Rochelle, la Cannes de l’Atlantique. À La Rochelle, le port des Minimes s’inscrit pleinement dans une logique de développement local basé sur l’économie avec le tourisme et la mutation de l’industrie navale. La dimension symbolique n’est pour autant pas négliger : les compétitions nautiques vont être un moyen de parfaire son image. 1. La plaisance comme support du développement touristique a) Un élargissement de l’offre touristique : la plaisance La mandature de André Salardaine engage la vocation touristique de La Rochelle dès 1965. L’arrivée au pouvoir de M. Crépeau creuse le sillon en ouvrant un deuxième syndicat d’initiative et en sollicitant les Rochelais à promouvoir cette orientation de la ville : « La municipalité rappelle que le bon accueil des touristes est le devoir de tous les Rochelais : un renseignement donné avec le sourire ne coûte pas cher, mais il éclaire l’image que l’on se fait de notre ville. » (BILR 1/11/71) La situation littorale de La Rochelle laisse à penser que le tourisme est de nature balnéaire. Pourtant, les acteurs considèrent -avec raison- que La Rochelle n’est pas pourvue de plage digne de ce nom. Pour eux, la politique d’événements culturels mise en place et le patrimoine architectural sont les principaux points d’intérêt des visiteurs. Pourtant il eut été dommage de se priver d’un tel avantage géographique que représente l’Océan. Avec le développement de la plaisance qu’autorise le port des Minimes, une nouvelle forme de tourisme va faire florès à La Rochelle. L’éventail de l’offre touristique rochelaise en fait un secteur majeur de son économie. Le secteur plaisance est particulièrement enrichissant puisque cette activité draine un public relativement fortuné et, qu’outre les rentrées directes de ce secteur, c’est tout un pan de l’industrie rochelaise qui vit de cette activité spécifique (chantiers de construction et de réparation, shipchandler...). b) Le port des Minimes, un environnement propice au tourisme d’affaire Cinq ans après son inauguration, le port des Minimes est considéré comme « le plus grand port de plaisance d’Europe. » À la moindre modernisation des infrastructures le Bulletin Municipal n’omet pas de préciser qu’il s’agit d’un équipement « digne du premier port de plaisance d’Europe. » Mais le potentiel touristique de cet équipement n’est totalement exploité . Les flux touristiques doivent être plus étalés. Pour maintenir une activité touristique tout au long de l’année, La Rochelle explore la voie du tourisme d’affaire au milieu des années quatre-vingts avec l’ouverture d’un amphithéâtre de mille sièges à La Coursive puis la construction du Palais des Congrès en 1986 . « Ancré sur la Digue de Lazaret, bénéficiant d’un environnement exceptionnel créé par 3 000 bateaux avec, en fond de scène, les Tours du vieux port, cet ensemble municipal offrira aux congressistes, au travers de larges baies vitrées, une vision inoubliable de La Rochelle. » Ce tourisme d’affaire connaît un essor certain dès 1991. La manne de cette activité est estimée, en 1993 à « environ 11 millions de francs » Fort de ce bilan, une nouvelle salle de congrès est envisagée à l’Espace Encan. Ainsi « La Rochelle qui connaît encore aujourd’hui [2000] une forte saisonnalité de son activité touristique, peut ainsi envisager de voir l’activité s’étaler sur les douze mois de l’année. » Il apparaît donc que le site des Minimes a offert un environnement propice au développement de la fonction touristique qui est aujourd’hui communément admise par les élus et les habitants comme une activité traditionnelle de la ville. 2. Le port des Minimes à l’origine de la mutation économique locale Le port des Minimes et son quartier vont être le siège de la mutation profonde de l’économie rochelaise entre 1970 et 2000. a) Du secteur secondaire au tertiaire Durant les années 70, l’économie locale était portée par de grandes structures industrielles (Peugeot, Alstom, CIT Alcatel, Rhône-Poulenc, les ACRP...). Le déclin de ces activités a provoqué une crise profonde. Et l’économie locale a diversifié et renouvelé ses activités. Mais le développement du tourisme « ne permettait pas d’envisager le développement de l’agglomération à long terme. Il a donc fallu développer le potentiel économique. » Dans la compétition urbaine régionale, le Futuroscope modernisait l’image de la capitale régionale. Pour Michel Crépeau, La Rochelle devait également faire preuve de modernisme à travers l’architecture et de nouvelles activités économiques. Le développement économique du quartier va donc s’articuler autour trois pôles de services : • Le parc de la Francophonie : Initié en 1987, c’est un « centre de services économiques et culturels destiné aux organismes francophones et aux entreprises qui souhaitent utiliser la Francophonie. » • L’Espace Technoforum : est utilisé dès 1990 comme l’hôtel d’entreprises des Minimes ou un « syndicat d’initiative économique . » Annoncé comme « première trace monumentale de La Rochelle nouvelle », il doit être la vitrine de « La Rochelle « haute définition ». » En 1994, le Technoforum « affiche complet » et pour continuer de faciliter la création d’entreprises, la Maison des Métiers sort de terre fin 1996 . Le Technoforum est alors transféré à l’Université qui y établi son siège. • L’Université : Pour la municipalité, la question de l’enseignement supérieur est présente dès son entrée en fonction et elle est liée au développement économique de la ville . La Rochelle accueille des antennes de l’Université de Poitiers et des formations privées avant de devenir une ville universitaire de plein exercice en 1993 . L’objectif est fixé à 5 000 étudiants en 1995, 10 000 en l’an 2000 . En réalité, il n’y aura que 6 829 étudiants en 2001. Le nouveau quartier qui se développe autour du Port des Minimes permet à La Rochelle de moderniser son image et son économie en investissant le secteur tertiaire et de concurrencer Poitiers sur ses propres forces (l’Université et les services). b) Mutation de l’industrie nautique : de l’acier au plastique Avec la création du port des Minimes, l’industrie navale rochelaise va se transformer en profondeur : elle passe de l’acier au plastique. Alors qu’ils emploient plus de mille personnes depuis 1950, les ACRP, les chantiers navals de La Rochelle-Pallice subissent de plein fouet la crise de la construction navale en France. La réalisation de l’Alcyone pour J.Y. Cousteau en 1986 ne fera que repousser l’échéance de la fermeture qui sera effective en 1987. En 1984, alors que la crise semble irrémédiable, M. Crépeau, alors Ministre du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme évoque « l’option réaliste des petites et moyennes entreprises performantes et diversifiées. » Pour lui, la ville doit conserver sa spécificité navale. Elle intervient économiquement à travers des aides à l’implantation d’entreprises liées à la plaisance . « La filière nautique est en plein développement. Le marché de maintenance des grands yachts émerge, s’appuyant sur les atouts rochelais : un bassin profond en pleine ville, un réseau d’entreprises rassemblant tous les corps de métiers » En effet, plusieurs secteurs de la plaisance sont porteurs à La Rochelle : la construction, la réparation et l’entretien des bateaux des plaisanciers, la maintenance des grands yachts. Pour la municipalité, ces structures liées au nautisme bénéficient du « label rochelais « Grand Pavois » » et leur vitalité confirme « le rôle leader de La Rochelle dans le secteur de la plaisance. » Ainsi, en 2000, suite à la tempête de Noël 1999, « la plaisance pavoise » car si « la tempête a cassé les bateaux, elle a dopé les marchés. » Le port des Minimes a donc permis de maintenir la tradition de construction navale de la ville tout en l’adaptant aux nouvelles exigences du marché, aux nouveaux matériaux et aux nouvelles technologies. Pour la municipalité, tous ces « éléments permettent de nourrir des ambitions sportives » qui vont participer à l’édification d’un capital symbolique mettant en avant la technicité et le savoir-faire rochelais en matière de haute compétition. 3. La voile comme vecteur de communication Même si la Société des Régates Rochelaises, fondée en 1860, était active dans l’organisation de régates, l’infrastructure portuaire des Minimes va réellement permettre à la voile de prendre son essor à La Rochelle, jusqu’à en devenir le logo de la ville (Cf. Illustration 2).

Illustration 2 : Logo de la ville de La Rochelle. La voile est un sport original, à cheval sur les deux systèmes des sports définis par P. Yonnet : à la fois compétition contre les autres et compétition contre soi-même . Elle rencontre à la fois les aléas du « conflit ludique » et la recherche des limites des expériences extrêmes, que R. Caillois nomme l’ilinx . Ce spectacle sportif va être le terreau le plus favorable à l’édification du capitale symbolique du port des Minimes car il concentre l’ensemble des dimensions qui lient la ville au sport. Il va s’agir de faire surgir des figures locales de héros qui médiatisent le rapport des habitants à la ville. Dans le corpus de données étudié l’équipage composé de J.F. Fountaine et de P. Follenfant et la navigatrice I. Autissier occupent des places particulières, ils sont élevés au rang de héros locaux, de figures incontournables d’un panthéon rochelais au même titre que J. Guiton, maire de la Commune durant le Siège de 1628. Aussi, la voile est un sport extraordinairement technique et technologique. Le rendez-vous du Grand-Pavois début septembre présente La Rochelle « comme lieu de savoir-faire en matière de nautisme à la pointe de la technologie, creuset de champions et Mecque du sport de haute compétition . » Pour la ville de La Rochelle, la compétition nautique va être une vitrine de son savoir-faire industriel et de son « savoir-accueillir » touristique. De plus, la voile est un sport particulièrement médiatique et attractif. La candidature de La Rochelle aux JO 2008 et 2012 au coté de Paris s’inscrit dans ce même registre de bénéfices économiques et de suppléments de notoriété. Pour accueillir les éventuelles compétitions nautiques des JO de Paris 2008 et 2012, la ville met en avant à la fois la qualité de son plan d’eau et de ses infrastructures, son professionnalisme en matière d’organisation et l’engouement populaire que suscite de tels évènements .

L’accueil de grandes courses ou de marins triomphants est l’occasion d’évènements exceptionnels qui forgent l’histoire de la cité et la mémoire collective des lieux, des résidents et des voyageurs/touristes . Il justifie le slogan « La Rochelle, la mer... évidemment » et tente d’imposer à La Rochelle le statut de « Capitale de la voile » . Ces événements ont un impact direct sur l’image de la ville en terme de reconnaissance extérieure. Indirectement, ils sont une formidable vitrine pour son activité et son industrie de plaisance. Toutes ses actions liées à l’existence du Port des Minimes produisent du capital symbolique qui bénéficient à la ville en termes de notoriété et d’attractivité. IV. Conclusion Le Port des Minimes en tant qu’équipement sportif apporte plus que de nouvelles pratiques, il est créateur de capitaux économique et symbolique qui arment La Rochelle dans la « bataille des villes ». La construction du complexe de la Pépinière peut être considérée d’équipement prestige . Dans le sport, comme dans d’autres domaines ces équipements de prestige ont, au-delà de la fonction première d’accueillir des événements sportifs, une vocation d’influer sur l’image de la ville. Même si la concurrence est frontale avec Poitiers pour l’Université, il faut admettre qu’elles ne sont pas dans le même champ de concurrence. La Rochelle luttant face autres villes littorales fortement touristique qui ont développé la plaisance alors que Poitiers luttent spécifiquement avec les villes universitaires et administratives.

Il ressort de l’étude de ces deux exemples que la programmation d’équipements sportifs ne peut être dissociée des politiques urbaines locales. Tout se passe comme si l’équipement sportif a vocation à la fois à structurer le territoire urbain, à renforcer le sentiment d’appartenance à la communauté urbaine et à participer à l’activité économique. Pour autant, en regardant les politiques urbaines dans leur globalité, la gestion spatiale de l’agglomération, l’identification au territoire et le développement économique des villes ne font pas toujours appel au secteur sportif. À des degrés divers, les volets logement ou culture des politiques urbaines font l’objet du même type d’instrumentalisation. Néanmoins, les équipements sportifs font partie des leviers d’action les plus visibles car ils portent eux certaines valeurs (dynamisme, bien-être...) qui sont appropriées par les municipalités et transférées à d’autres sphères de la vie sociale (dynamisme économique, qualité de la vie...).