La sociologie de l’action face à l’ethnographie des pratiques sportives
vendredi 20 mars 2009, par admin
Auteur : Matthieu Quidu
Entre usage sur-interprétatif et définition du champ de pertinence
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Commentaires
Merci pour ce texte très étayé du point de vue d’une culture théorique par ailleurs bien maîtrisée. Le propos est ambitieux du point de vue théorique tout en restant clair malgré la complexité du sujet. Mes remarques et questionnements concernent essentiellement six points :
Ne faudrait-il pas davantage préciser votre méthodologie afin de comprendre plus précisément vos modalités d’investigation empirique des textes ? Cela permettrait notamment de mieux référencer les passages des textes cités (tant pour Wacquant que pour Faure). L’utilisation de logiciels d’analyse du discours et plus globalement l’analyse des figures à l’œuvre dans le discours auraient peut-être été très utiles (voir tous les travaux sur les discours et l’argumentation scientifique).
J’aurai personnellement eu besoin d’une explicitation plus conséquente de notion de « logique pré-logique de la pratique ».
Sur le fond de l’analyse : Peut-on aussi facilement que cela distinguer a priori et a posteriori (= le recueil ethnographique comme moyen de délimitation a priori / a posteriori du champ de pertinence des théories sociologiques) ? N’y a-t-il pas « va et vient » inéducable entre « induction » et « déduction » ? Ne faut-il pas par ailleurs différencier écriture de l’article scientifique (qui peut surdéterminer la logique inductive ou déductive) et le travail d’analyse sociologique qui implique des va et vient ? Des travaux existent sur la production des textes et de l’argumentation scientifiques (voir notamment Grize, Perelman sur le sujet. Cf aussi la revue de question : Bouvier, A. 1995. L’argumentation philosophique. Etude de sociologie cognitive. Paris : P.U.F..), il aurait pu y être fait utilement référence pour mieux identifier votre positionnement.
N’y a-t-il pas le risque d’un effet de naturalisation quand on parle de l’ethnographie au singulier. N’y a-t-il pas DES ethnographies ? De même, vous distinguez sociologie et ethnographie, distinction que l’on pourrait largement discuter et qui semble assez fortement « naturalisée » dans le cadre de l’analyse présentée.
Vous parlez de « théories sociologiques de l’action » mais est-ce vraiment le cas ? Nous ne disposons pas dans le texte d’une définition d’une telle notion qui n’est pas sans poser problème ? Qu’est-ce que l’action, à partir de quand peut-on dire qu’une théorie aborde l’action ? Sujet pour le moins complexe si l’on se plonge dans les théories de l’action.
Enfin, j’aurai souhaité discuter votre positionnement théorique et notamment son caractère - que je qualifierai de - normatif (dans la lignée des travaux d’une épistémologie normative visant définition du vrai, de la « bonne science »). Votre posture ne pourrait-elle pas s’enrichir d’une étude des fondements sociaux de la production des connaissances (soit chercher à comprendre pourquoi les acteurs produisent des formes de savoir particulières). Toute la tradition de sociologie des sciences (il existe également des travaux de sociologie de la sociologie et notamment de sociologie de la sociologie du sport (je pense aux productions de C. Collinet sur le sujet) qui ne sont pas convoqués ici) pourrait être utile à l’analyse de l’objet considéré. Ceci pourrait probablement minorer le caractère assez « normatif » du travail dont les fondements philosophiques sont par ailleurs peu explicités et l’ancrage sociologique insuffisamment déployé. Finalement, s’agit-il de critiquer une façon de faire des sciences sociales pour montrer qu’il y a des meilleures façons que d’autres d’en faire (on pourrait alors discuter cette option au regard des analyses d’épistémologie des sciences sociales de JM Berthelot, par exemple, qui prône un nécessaire pluralisme explicatif sous contrainte) OU s’agit-il de comprendre pourquoi et comment plusieurs « paradigmes », « schèmes d’intelligibilité » cohabitent ? Ne serait-il pas utile pour votre travail de vous inscrire dans la continuité du « social turn » que Kuhn a fait subir à l’épistémologie en pointant le caractère social de la production scientifique ? Votre analyse épistémologique ne laisse-t-elle pas trop de côté la dimension sociale (par exemple effets de positions, de dispositions, d’interactions, ...) de la construction de la science (pour en rester à une étude strictement cognitive) ce qui peut le conduire dans une impasse théoriciste isolant les théories du social. Cordialement. Philippe TERRAL