Introduction

Notre recherche qui reposait, au départ, sur l’analyse particulière d’une société dans son volet sportif et par une présence féminine, qui est susceptible de livrer des éléments de réflexion sur la situation sociale de ces femmes algériennes ayant fait le choix d’une carrière professionnelle dans le sport. Le genre sportif caractérisé par le « dénudé » représente l’apport d’une culture étrangère qui est de nature à provoquer un débat multidisciplinaire au sein de la société algérienne. Cet apport ne nous a pas permis de cerner notre recherche uniquement au sein du monde des sports, mais de le confronter à l’ensemble de la société. C’est l’une des raisons à partir de laquelle nous avons fondé une question consistant à essayer de comprendre ce qui pourrait inciter les femmes algériennes à s’engager dans une carrière sportive. Il s’agissait de savoir, d’abord, comment s’effectue la socialisation sportive de ces femmes ? Ensuite, pourquoi celles-ci ont-elles choisi de poursuivre une formation les destinant à être ou à devenir des cadres de la nation ? Enfin, comment leur intégration s’est réalisée dans le milieu professionnel ? Pour être en mesure de répondre à ces questions là, il nous fallait prendre un détour qui consistait à bâtir un substrat théorique destiné à contextualiser sociologiquement le processus de socialisation sportive de ces conseillères, dans la société algérienne. Ceci résume la représentation de la condition féminine en milieu traditionnel et urbain en mettant en évidence les mutations induites par la lutte de libération nationale, pour parler ensuite de l’enjeu culturel qui se dessinait au lendemain de l’indépendance : dualité entre Tradition et Modernité génératrice d’une ambivalence culturelle. Ce qui n’empêcha, tout de même pas, la société de concrétiser ses aspirations vers le modernisme en organisant institutionnellement le cadre de la pratique, de la formation et de la profession sportive. Voici, donc, telle que formulée, notre problématique qui se fixe comme but de cerner les principales raisons de l’accession des femmes au métier de cadre du sport. Méthodologie Pour la collecte des données, nous avons eu recours au questionnaire, l’entretien semi-directif. Pour vérifier cela, nous avons élaboré un questionnaire (questions directes), analysé par le moyen du logiciel Sphinx ; nous avons incité des Conseillers du Sport (femmes et hommes) à discourir librement, et ce, par l’usage de la technique de l’entretien. Discours façonnant leur monde référentiel dont nous avons reconstitué l’image au moyen d’une Analyse Cognitivo Discursive (ACD) ponctuée par une Analyse factorielle (AFC) en exploitant des logiciels : Alceste et Tropes. Nous y avons répondu d’une manière anticipée en supposant qu’une forte socialisation de la pratique sportive a pour conséquence la libération de la femme et la modernisation de la société. La nature et l’intensité du vécu sportif préparent l’accès à un cycle d’apprentissage dans le but d’acquérir un savoir et un savoir faire qui seront sanctionnés par un diplôme ; la diplômée aura un statut de cadre du sport ouvrant la voie à une insertion professionnelle. Notre enquête a porté sur les Conseillers en sport femmes et hommes ; ceci nous a permis de faire une étude comparative, portant sur : Leur âge qui varie entre 23 et 57 ans, Leur vécu sportif qui est important : (mais pour les femmes, elles ont été des championnes, soit au niveau national et/ou international). Elles sont issues de différentes spécialités sportives (nous retrouvons les Conseillères du Sport dans la majorité des sports, mais, elles sont quasiment absentes dans des sports dits « masculins » tels que le football, la boxe et l’haltérophilie). La méthodologie employée a mis en œuvre différentes techniques : celle du questionnaire pour 130 Conseillères et 130 Conseillers en Sport visait à reconstituer la trajectoire sociale des intéressées traitée par le logiciel Sphinx. Elle se présente comme suit : • Identification de la Conseillère (avec tout ce qui englobe âge, situation familiale, caractéristiques socioculturelles, et motifs de la pratique.) • Vécu sportif • Les motifs de l’engagement et les parcours dans la formation • L’accès dans les métiers du sport, les différents postes occupés, les difficultés rencontrées et leurs aspirations. La technique de l’entretien (semi directif) nous a permis d’approfondir et d’élargir nos données par le recours aux logiciels Alceste et Tropes. Pour les 11 femmes et 10 hommes qui ont accepté d’être interviewés. Résultats Il s’avère que les mêmes causes produisent les mêmes effets mais, seulement, en matière sociale, les conséquences de ces effets diffèrent selon le type de société. L’aboutissement de l’utilisation de ces deux méthodes a permis de constater une complémentarité et une confirmation des résultats obtenus. Nos premiers résultats obtenus par questionnaires nous renvoient à l’image de leur milieu social issu de grandes villes. Une majorité des Conseillères sont issues d’un milieu favorable que l’on peut classer dans une classe moyenne supérieure et de parents culturellement sensibles à la modernité et à l’émancipation de la femme. Cela a fait ressortir que les Conseillères sportives dans leur ensemble ont bénéficié d’une véritable socialisation sportive par le milieu familial. Un fait indéniable sur le plan des textes législatifs et réglementaires la pratique et la formation sportive ne souffre d’aucune discrimination. La discrimination existe, cependant au niveau de la pratique et elle est d’ordre social ; sur le plan professionnel, elle devient virulente au niveau de l’encadrement et des postes supérieurs tels que les postes de direction et de décision (DTN, SG, Président de fédération), ainsi que les postes d’entraîneur de haut niveau. (Être ou devenir entraîneur d’une équipe nationale féminine de football, par exemple). Concernant l’analyse de nos entretiens, elle nous a permis une classification par thème afin de mieux distinguer les différences et les similitudes du genre dans leur socialisation, dans leur parcours et leur formation de cadres sportifs, (au sein de l’INFS/STS), ainsi que du déroulement de leur carrière professionnelle et leur accès aux postes de responsabilité. Pour cette analyse, nous avons procédé à une classification par thèmes, regroupés dans cinq classes, que nous avons fait figurer par les principaux intitulés correspondant à chaque classe.

Cl. 1 ( 213uce) |Représentations et images de la femme | Représentation culturelle et sociale de la femme sportive Cl. 5 ( 328uce) |Statut et identité professionnelle

Cl. 2 ( 176uce) |Socialisation | | Trajectoire et carrière sportive Cl. 3 ( 171uce) |Institution, parcours sportif |

Cl. 4 ( 99uce) |Formation |

Figure 1 - Classification descendante hiérarchique.

Il en ressort du premier bloc, regroupant la représentation culturelle et sociale de la femme sportive dans la société, deux classes. La classe 1 : illustre l’image et la représentation de la femme sportive. Elles sont considérées comme étant des « femmes libres », exposant leur « corps » aux regards. C’est plus perçu par le commun des personnes comme une exposition corporelle qu’un exercice physique. Quant à son statut et son insertion professionnelle par le sport, la classe 5 met en évidence des logiques d’exclusion et de marginalisation pour les postes de direction et de pouvoir décisionnel. Le deuxième bloc porte sur la trajectoire et la carrière sportive. La socialisation sportive dans la classe 2 montre le privilège de la famille et du lieu, qui est déterminant. Concernant les parcours et Institutions sportifs au niveau de la classe 3 le discours produit par les enquêté (e) s était un discours intéressé car exprimant une demande de reconnaissance par leur titres honorifiques. Et la place de la formation Sport/Etude de la quatrième classe montre que l’instruction et la formation apparaissent comme des moyens pour aider les femmes à surmonter les problèmes de discrimination et de ségrégation professionnelle.

L’Analyse factorielle que nous jugeons partielle (par le choix des 3 variables, imposés par notre société et notre souci de nos autolimités) nous a permis d’étudier la corrélation ainsi que la structure des liaisons entre les différentes classes et contextes et de les schématiser sous une représentation graphique se prêtant, plus facilement, à l’interprétation. Sur l’analyse cognitivo-discursive par le biais du logiciel Tropes, après avoir opéré le découpage des discours nous constatons que la majorité des mots appartient au français fondamental : bien que les Conseillères aient utilisé, quelques fois plus que les conseillers un dialecte pour exprimer leur révolte, leur discours reste néanmoins compréhensible. Les résultats de notre analyse indiquent ce qui suit :

Concernant la représentation en pourcentage des verbes en fonction de leur catégorie. Il est à noter que la quantité des catégories de verbes est calculée en pourcentage (taux en %). Les verbes performatifs qui expriment l’énonciation à la 1ère personne du singulier. Accomplir l’acte qu’ils énoncent. Exemple : je te promets que..., j’ordonne, je déclare, je veux... sont presque inexistants.

La mise en évidence la prépondérance des verbes statifs (verbes d’état qui expriment leurs émotions) avec 41,2% les femmes semblent déçues de la différence de traitement lié au genre, par les difficultés et les obstacles qu’elles subissent dans leur insertion. D’acquérir un statut et une place en tant que citoyenne, elles paraissent dévoiler un sentiment d’amertume et de frustration et de non reconnaissance de leur qualité de sportives, alors qu’elles possédaient des titres honorifiques. L’utilisation également des verbes factifs est importante aussi et représente 38% (ce sont là des verbes d’action) les conseillères sportives paraissent des femmes d’action qui veulent agir et non subir. Et ensuite l’utilisation des verbes déclaratifs 20,3% (qui traduisent la révolte déclarative). Les faits de paroles ici traduisent une action suscitée par des situations révoltantes où l’émotion (dans le ton) occupe une place importante. Nous sommes en présence des femmes qui privilégient l’action à la soumission. Cette double identité, hybride de la coexistence antagoniste, est mal vécue et produit le mal-être ; ce malaise régnant qui empêche toute perspective d’avenir et qui impose, toujours, l’utilisation des modes du passé ou du "presque" présent ; quant au futur, il reste toujours conditionné. Cela pourrait traduire une vision de la réalité sociale où le futur est banni ; il est d’essence divine. Pour les modalisations (il s’agit ici des adverbes essentiels : qui permettent à celui qui parle de s’imposer et de préciser dans ce qu’il dit), L’histogramme nous montre la charge émotionnelle contenue dans les paroles des interviewées (par les modalisateur d’intensité). Et la négation exprime un refus de la situation présente. Elles sont conscientes de ce qu’elles avancent et croient en la justesse de leur affirmation. Notons que le doute est quasiment absent.

Nous constatons que les pourcentages des deux premiers indicateurs de la modalisation sont supérieurs chez les femmes ; ils mettent en valeur toute la prise de conscience de la condition féminine. Les connecteurs permettent d’introduire et de relier des propositions dans le discours conjonction de coordination et de subordination, nous constatons d’après ces résultats que les connecteurs les plus utilisés sont ceux d’addition 32,8%, de cause 23,8% et d’opposition 16,3% ; ils traduisent le vécu de ces sportives marqué par une succession contradictoire d’évènements. Ces résultats vont exactement dans le sens de ce que nous avons pu constater précédemment ; les interviewées énoncent des jugements assez négatifs, au travers desquels elles tentent de faire constater leur mauvaise insertion dans la société, en tant que pratiquantes du sport, mais aussi, dans les métiers du sport. Les connecteurs d’addition, de cause et d’opposition marquent ou veulent marquer une cohérence dans le discours produit.

Les pourcentages des quatre premiers indicateurs des connecteurs mettent en évidence que la cause et le temps sont des notions complémentaires pour les femmes, tandis que l’addition et l’opposition reflètent la volonté hégémonique des hommes.

Conclusion La question du genre, dans le modèle algérien, va se rencontrer directement et sans transition dans un seul et unique territoire qui est l’espace du sport. Cette fusion territorialiste produira un choc culturel pour un genre non préparé à se mouvoir dans l’unicité spatiale. La modernisation de la société par le sport a été un phénomène producteur d’effets et de conséquences, dont, souvent, la composante sociale n’était ni prête, ni préparée pour les absorber et les digérer. Aujourd’hui, force est de reconnaître qu’une minorité sociale fort présente et agissante a fait sienne cette modernité. Cette dernière est créatrice et productrice d’une transition culturelle en Algérie. La contradiction sociale du genre refait surface dans toute sa nudité dans le milieu professionnel. L’exercice de la profession de Conseillère du Sport apparaît comme un acte de militantisme. La femme est insérée, mais, dans des postes subalternes et tout juste moyens ; elle se trouve en quelque sorte comme écartée d’emblée des postes décisionnels et de responsabilité ; son appartenance au « sexe faible » ne lui permettant pas de s’imposer dans un milieu dit de « virilité ». Perspectives Le moment est venu de s’intéresser de manière rigoureuse et par des enquêtes de terrain sur les pratiques sportives féminines en Algérie de façon à les promouvoir conformément aux exigences universelles telles que stipulées par les orientations des instances sportives internationales. D’autre part, un travail de recherche également intéressant serait d’aborder une étude d’une autre catégorie sociale extra-sportive, afin de comparer les différentes données produites par l’usage du même outillage sociologique. Il serait également intéressant d’étudier les populations d’origine algérienne vivant en France, afin d’évaluer leur intégration dans la société d’accueil et d’identifier les poches de résistance.

Bibliographie BOURDIEU (P.), La Distinction - Critique sociale du jugement, Minuit, Paris, 1992. FANON F.), L’An V de la révolution algérienne, Maspero, Paris, 1960. FANON (F.), Sociologie d’une révolution, Petite collection, Maspero, Paris, 1975. FATES (Y.), Sport et Tiers Monde, PUF, Paris, 1994. KHODJA (S.), A comme Algériennes, ENAC, Alger, 1991. LESBET (D.), La Casbah d’Alger, OPU, Alger, 1985. MEDHAR (S.), Tradition contre développement, ENAP, Alger, 1992. OUITIS (A.), Les contradictions sociales et leur expressions symboliques, dans le Sétifois, SNED, Alger, 1977. TOUALBI (N.), Religion, Rites et Mutations, OPU, Alger, 1984. ZERDOUMI (N.), Enfants d’hier : l’éducation en milieu traditionnel algérien, Maspero, Paris, 1970.